Le kératocône est une maladie dégénérative de la cornée qui affecte généralement les deux yeux, mais son évolution peut être asymétrique, avec un œil plus sévèrement touché que l’autre. Cette progression soulève de nombreuses questions concernant le diagnostic et le traitement. Pour en savoir plus, consultez le site dencott.com.

L’évolution asymétrique du kératocône

L’évolution asymétrique du kératocône entre les deux yeux implique divers processus physiologiques. La déformation progressive et irrégulière de la cornée peut se produire à des rythmes différents pour chaque œil. Cette disparité s’explique en partie par les variations locales de la structure cornéenne et de sa biomécanique.

La cornée est principalement composée de fibres de collagène organisées pour conserver sa forme et sa transparence. Dans le kératocône, ces fibres se désorganisent et s’affaiblissent, mais ce phénomène peut être plus prononcé dans un œil que dans l’autre. Les différences dans la densité et l’orientation des fibres de collagène entre les deux yeux peuvent entraîner une résistance mécanique aux forces déformantes variable.

Les enzymes responsables de la dégradation du collagène, telles que les métalloprotéinases matricielles (MMPs), peuvent être plus actives dans un œil, ce qui a pour effet d’accélérer le processus de déformation. En parallèle, les processus de réparation et de synthèse du collagène peuvent être moins rapide dans l’œil le plus atteint, accentuant ainsi l’asymétrie au fil du temps.

L’évolution asymétrique du kératocône est donc le résultat d’un déséquilibre entre les forces de dégradation et de réparation au sein de la cornée. En effet, une déformation initiale légèrement plus prononcée dans un œil peut entraîner des événements biochimiques et biomécaniques qui amplifient progressivement la différence entre les deux yeux. Cette boucle de rétroaction positive explique en partie pourquoi l’asymétrie tend à s’accentuer avec le temps chez certains patients.

Les facteurs de risque qui influent sur la progression unilatérale

Bien que le kératocône soit généralement considéré comme une maladie bilatérale, plusieurs facteurs peuvent influencer une progression plus rapide ou plus sévère dans un œil par rapport à l’autre.

Une prédisposition génétique et les mutations du collagène cornéen

La composante génétique du kératocône est bien établie, mais il peut se développer différemment d’un oeil à l’autre. Des mutations affectant les gènes du collagène (par exemple, COL4A3 et COL4A4) peuvent être plus fortes dans un œil, entraînant une plus grande fragilité cornéenne. Celles-ci peuvent être influencées par des facteurs épigénétiques locaux, expliquant en partie l’asymétrie observée. De plus, des variations génétiques affectant la production d’enzymes antioxydantes peuvent rendre un œil plus sensible au stress oxydatif, un facteur connu pour contribuer à la progression du kératocône. Il faut savoir que cela peut accélérer la dégradation du collagène cornéen dans l’œil le plus affecté.

Des traumatismes oculaires localisés

Les traumatismes oculaires, même mineurs, peuvent influencer l’évolution asymétrique du kératocône. Un œil ayant subi des microtraumatismes répétés peut développer une forme plus sévère de la maladie. Ces traumatismes peuvent être dus :

  • Au port prolongé de lentilles de contact mal adaptées

  • À des épisodes récurrents d’irritation ou d’inflammation oculaire

  • À des blessures mineures non détectées

  • À une exposition excessive aux rayons UV sur un œil en particulier

Ces causes peuvent accélérer la dégradation du collagène cornéen dans l’œil affecté. C’est pourquoi, les patients doivent protéger au maximum leurs yeux et d’éviter tout traumatisme, même mineur, pour éviter une évolution asymétrique.

Un frottement répété des yeux

Le fait de se frotter les yeux est reconnu comme l’une des causes principales de la progression du kératocône. De nombreux patients ont tendance à frotter un œil plus que l’autre, souvent de manière inconsciente. Cette habitude peut être due à une dominance manuelle ou à une irritation plus prononcée dans un œil, mais il faut savoir que les forces mécaniques exercées lors du frottement peuvent déformer la cornée et stimuler la production de médiateurs inflammatoires.

Un diagnostic différentiel entre les deux yeux

Le diagnostic et le suivi de l’évolution asymétrique du kératocône nécessitent d’employer des techniques d’imagerie et des analyses poussées des deux yeux, afin de détecter les différences et de quantifier l’ampleur de l’asymétrie.

La topographie cornéenne

Grâce à un Orbscan, il est possible d’évaluer l’asymétrie du kératocône. Cet appareil combine la topographie cornéenne avec une analyse de l’élévation de la surface antérieure et postérieure de la cornée. En comparant les cartes topographiques des deux yeux, les cliniciens peuvent identifier des différences dans :

  • La courbure cornéenne centrale et périphérique

  • L’épaisseur cornéenne à différents points

  • Les patterns d’astigmatisme irrégulier

  • La localisation et la profondeur du cône

L’Orbscan donne également des indices numériques qui peuvent être comparés pour quantifier l’asymétrie entre les deux yeux.

La tomographie en cohérence optique (OCT)

La tomographie en cohérence optique (OCT) du segment antérieur consiste en une visualisation haute résolution de la structure cornéenne en coupe transversale. Cette technique non invasive permet d’évaluer :

  • L’épaisseur de la cornée

  • La forme et la profondeur du cône

  • Les altérations structurelles des différentes couches cornéennes

  • La présence de cicatrices ou d’hydrops subcliniques

En comparant les scans OCT des deux yeux, les cliniciens peuvent détecter des différences, même subtiles, dans la progression du kératocône.

La microscopie confocale in vivo pour l’évaluation cellulaire

La microscopie confocale in vivo permet une analyse microscopique des cellules et des structures cornéennes en temps réel. Cette technique donne des informations sur la densité et la morphologie des kératocytes, l’organisation des fibres de collagène, la présence de cellules inflammatoires, et sur les changements dans la membrane de Bowman. En comparant ces paramètres, les chercheurs et les cliniciens peuvent identifier des différences cellulaires et structurelles qui pourraient expliquer l’évolution asymétrique du kératocône.

Une prise en charge adaptée pour l’asymétrie

Les traitement doivent être ajustés en fonction de la sévérité et de la progression de chaque œil, le but étant de ralentir la progression, d’améliorer la vision et d’éviter au maximum les complications.

Le cross-linking cornéen

Le cross-linking cornéen (CXL) est une technique utilisée pour renforcer les liaisons entre les fibres de collagène de la cornée et ralentir la progression du kératocône. Dans le cas d’une évolution asymétrique, le CXL doit être adaptée à chaque œil :

  • Timing d’intervention : L’œil présentant une progression plus rapide peut nécessiter un CXL anticipé.

  • Protocole de traitement : L’intensité et la durée du traitement peuvent être ajustées en fonction de l’épaisseur cornéenne et de la sévérité du kératocône de chaque œil.

  • Suivi après le traitement : Un monitoring plus fréquent de l’œil le plus atteint pour détecter toute reprise de la progression.

Cette personnalisation du traitement par CXL permet d’obtenir de meilleurs résultats et de limiter les risques pour chaque œil.

Des lentilles de contact hybrides asymétriques

Les lentilles de contact hybrides, combinant une partie centrale rigide avec une jupe souple, sont faites pour s’adapter à des cornées très différentes. Chaque lentille est conçue pour la topographie unique de chaque œil, car l’œil le plus atteint peut nécessiter un matériau plus perméable à l’oxygène. De plus, la zone optique et la courbe de base peuvent être ajustées indépendamment pour chaque œil. Notez que l’adaptation de ces lentilles requiert une certaine expertise et souvent plusieurs séances d’ajustement.

Le suivi à long terme de l’évolution bilatérale divergente

Une asymétrie marquée avec une progression rapide dans un œil peut conduire à des problèmes de vue plus importants à long terme. C’est pourquoi, le suivi à long terme est nécessaire pour procéder à :

  • Des évaluations topographiques régulières : tous les 3 à 6 mois initialement, puis tous les ans si la stabilité est atteinte.

  • Des tests de vision : acuité visuelle corrigée et non corrigée, sensibilité au contraste, et aberrométrie pour évaluer la qualité visuelle globale.

  • Des ajustements des corrections optiques : réévaluation fréquente des prescriptions de lentilles ou de lunettes pour améliorer la vision.

Dans certains cas, l’œil le moins atteint peut connaître une progression plus rapide au fil du temps, ce qui nécessite de rester attentif sur le long terme. C’est pourquoi, il n’est pas rare que les patients puissent éprouver de l’anxiété quant à la progression asymétrique de leur condition, ou rencontrer des difficultés d’adaptation visuelle.